Celle qui…

J’ai eu ce désir d’enfant. Il y a quelques années. 

Il y a quelques jours, j’ai appris que j’étais enceinte. 

Mais, ce n’est pas le bon moment. La relation est naissante, on a tant de choses à faire tous les deux avant… comme se découvrir par exemple. Il faut prendre une décision mais je ne suis pas prête à être mère aujourd’hui.

Je l’ai tant voulu cet enfant, j’ai tant voulu être enceinte, avoir tous les signes, même les plus pénibles, j’ai tant voulu avoir ce gros bidon. Mais pas aujourd’hui.

Voilà, je suis celle qui a avorté.

J’ai pu bénéficier d’une IVG médicamenteuse parce qu’on s’y est pris suffisamment tôt et que les médecins que j’ai rencontré dans mon parcours du « combattant » ont été efficaces. Je parle de parcours du combattant parce que les choses ont été un peu pénibles à vivre.

Il a fallu vivre une – première – échographie et voir mes entrailles. C’est normal, c’est le protocole.

Le RDV au planning. 1h30 d’attente, la prise en charge en revanche est très bien, le personnel est rassurant et joyeux. C’est con mais j’allais pas très bien quand j’ai poussé la porte de ce centre d’IVG, j’étais même en larmes mais entendre les infirmières rire et les voir me sourire, ça m’a fait beaucoup de bien. 

Lors du premier entretien avec une infirmière qui remplit mon dossier de demande d’IVG, en regardant l’échographie de datation, elle se rend compte que je ne vais pas devoir subir d’IVG puisque la grossesse ne se développera pas. Enfin, c’est ce qu’elle croyait. Bref. Elle m’envoie aux Urgences obstétriques de l’hôpital (avec toutes les mamans et les petits bébés… je ne dirai rien sur ce moment hyper angoissant et violent) pour me déclencher une fausse-couche. Putain, à ce moment-là, je me dis que finalement, j’ai du bol, que le cauchemar est bientôt fini et qu’en plus, cette grossesse ne pouvait, de toute façon, aller à terme. Je suis soulagée.

Pour pouvoir déclencher une fausse-couche, le médecin des urgences me refait une écho – la seconde -. Une nouvelle écho mais l’angoisse de la première a disparu puisque je sais qu’il n’y a rien dans mon ventre de viable. Ben si en fait, l’embryon qu’on ne voyait pas à la première écho se voit très bien maintenant. Et là, patatras, tout se casse la gueule. Le médecin qui visiblement n’a pas lu le dossier ou en tout cas a zappé la demande d’IVG est enjoué : « Regardez, Madame, c’est bien vivant ce que vous avez dans le ventre ». Bim, le retour des larmes et retour au planning pour mettre en place l’IVG. Putain, quel cauchemar. 

Tout est planifié à la semaine suivante, c’est normal, c’est le protocole, une semaine de réflexion obligatoire. Je vais encore vivre une semaine avec ces signes de grossesses pénibles (seins douloureux, nausées, vertiges…). Le médecin me dira plus tard que je vais surement les supporter encore quelques semaines même…

Le rdv arrive. Je prends ce premier médicament qui va stopper la vascularisation et donc stopper la grossesse. Voila, c’est fait. Je rentre.

Deux jours plus tard, à 9h précisément, je laisse fondre 4 petits cachets hexagonaux sous ma langue. Ces cachets qui vont provoquer l’expulsion de mes entrailles. 5 minutes après la fonte, le travail se met en route : contractions violentes, même mon dernier tatouage a été plus soft en terme de douleur, j’avais été à deux doigts de défaillir. 4h de douleurs intenses à se tordre dans tous les sens, à pleurer, à taper contre le mur… Putain, plus jamais. Si la pharmacienne avait fait correctement son boulot et qu’elle m’avait donné les bons médocs, j’aurais surement moins souffert, mais elle s’est plantée… (J’ai prévu d’aller me la faire cette semaine !)

Voilà, c’est fini. Le cauchemar est, normalement, fini. 

Si je raconte ça, ici, aujourd’hui, c’est parce qu’il y a quelques mois, des politicards s’étaient permis de parler d’ « IVG de confort ». Au moment où je l’avais entendu, cela m’avait révulsée. « Putain, mais ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas et encore moins à la place de ces femmes » c’est ce que je m’étais dit à l’époque. Aujourd’hui, je fais partie de ces femmes et aujourd’hui, après avoir vécu ce que je viens de vivre, j’ai envie de les massacrer. 

Effectivement, recourir à l’IVG peut sembler pour beaucoup une option de facilité, de confort de vie, oui, on a la liberté de se dire qu’on a le choix. Oui, j’ai fait ce choix de facilité, pour toutes les raisons qui m’appartiennent, mais chaque millimètre de mon corps et de ma tête en a souffert. 

Une dernière chose, le 28 avril dernier, le jour où j’ai pris la décision ferme d’avorter, une radio de merde, BFM/RMC pour ne pas la citer, proposait cette question à ces auditeurs : 

Capture d’écran 2014-05-11 à 11.03.36

No comment…

6 réflexions sur “Celle qui…

  1. La comparaison avec ton dernier tatouage ne me parle pas (je ne suis pas tatouée) mais on comprend bien que tu as morflé. L’intensité de la douleur est pourtant évitable, c’est comme si tout était fait pour que tu le sentes bien passer
    Mais rassure-moi tu n’étais pas toute seule quand tu as expulsé?
    Et ce salaud de premier médecin qui te met le truc grouillant de vie sous le nez, comme si le choix n’avait pas été assez dur.
    Keep faith, besooos




  2. Non mais sérieusement? Pour rappel, l’avortement n’est pas un moyen de contraception. « On doit prendre le temps de se découvrir avant » il fallait donc pour cela « sortir couvert ». Oui, ton avortement est un avortement de confort. Et c’est dégueulasse. Et ce manque de pudeur, à raconter les détails et à étaler de faux remords au vu de tous est simplement inadmissible. Pense à celles qui se font violer, qui doivent avorter pour raisons thérapeutiques…et viens te plaindre parce qu’un bébé t’aurait empêchée de profiter de ton nouveau mec. Tu veux pas qu’on verse une larme aussi?

  3. Je te fais des gros bisous ma chérie.
    Je ne suis pas loin et tu sais que tu peux compter sur moi.
    Pour ce qui est de l’indignée… Facile aussi de répondre de la sorte derrière un écran et dans l’anonymat

  4. On ne nous le dit jamais assez avant et pourtant avoir des enfants c’est une des plus lourdes responsabilités qui soit, un engagement/une reponsabilité pour la vie (contrairement au mariage/couple/etc malgré ce qu’on en dit). Je comprends parfaitement ta démarche et il faut ignorer tout ceux qui la critiqueront. J’espère que ça va mieux, je vous souhaite plein de belles choses et je te souhaite une belle grossesse quand le moment sera venu. Bises.

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